L’union

« Août contre septembre lutte ;
L’océan n’a plus d’alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon. »
Voici que la saison décline – Victor Hugo – 1861

Est-ce donc cela, entrer dans l’hiver ? Ne regarder que soi ? Sans considération pour l’autre ?

Regardons certains des derniers évènements saillants qui se sont produits de par le Monde, nous verrons notamment l’élection de dirigeants qui prônent un attelage baroque entre nationalisme, souverainisme, chauvinisme et libéralisme exacerbé. L’autre n’est plus là ; nous verrons l’obsession du moi, la tentation du repli sur soi.

La Pyramide de Maslow nous le dit pourtant : au point de départ, avant l’affect il y a l’idée que nous sommes semblables par nos besoins. C’est pour cela que nous sommes égaux en être et en droit.
Et si l’universel auquel nous croyons existe, c’est autour de cette idée noble de l’égalité entre les êtres que nous devons nous rassembler.
Alors, pour éviter l’engagement dans la voie hasardeuse du monologue et de l’unilatéralisme, nous devons aller vers l’autre.

Lors de la bataille de Solférino en juin 1859, Napoléon III emporte une difficile victoire contre les Autrichiens de l’empereur François-Joseph. Un jeune homme d’affaires voyage en Italie, il veut rencontrer l’empereur français dans le but d’obtenir la signature d’un projet immobilier, il s’appelle Henri Dunant. Alors qu’il se rend à l’hôpital de Castiglione, il est impressionné par les infirmières qui, sous la devise « Tutti Fratelli¹ », offrent de l’aide à tous les blessés, quelle que soit leur nationalité. Il n’y a plus de distinction entre amis et ennemis, la condition unique est l’humanité. Henri Dunant couche cette idée dans un ouvrage devenu célèbre, « Un Souvenir de Solférino ». Ainsi naît l’idée de base de La Croix Rouge.

La Grande Muraille de Chine a été remontée sur un premier édifice par la Famille Ming. Les travaux ont débuté au XVI^ème siècle et ont duré environ cent ans. À son apogée, elle a compté 3,8 milliards de briques et 8.800 kilomètres de longueur.
Elle tient toujours debout et cela fait s’interroger les scientifiques sur les matériaux utilisés pour sa construction. Rapidement, on s’aperçoit de ce que ce ne sont pas les briques qui, même si très solides, parviennent à maintenir debout l’édifice. Les expériences montrent que c’est le mortier qui solidifie le tout, c’est-à-dire les grains de riz utilisés pour lier la structure. Car le riz devient dur à l’extérieur mais garde sa souplesse à l’intérieur, ainsi il permet de lutter contre les coups de canons mais aussi contre les tremblements de terre.
Le liant, ou comment un élément très simple peut changer la vie.

Parce que face au chaos, qu’il soit celui des hommes ou bien celui de la Nature, nous devons nous unir et nous serons ainsi plus forts pour aller vers ceux qui souffrent.
C’est pour cela que, après avoir échangé avec notre Loge au Liban, l’Obédience a décidé de faire appel à la générosité des Sœurs et Frères de ses Loges pour aider nos amis qui y demeurent.
Aider non pas seulement nos Sœurs et Frères mais nos amis car devant la peine nous sommes tous à égalité et revient en criant la communauté humanité de ceux qui font face à l’épreuve.
C’est aussi la raison pour laquelle dans les jours qui viennent, l’Obédience fera de nouveau appel à la générosité des Sœurs et Frères de nos Loges pour aider nos amis de Mayotte.

Et puisque décidément tout est dans Victor Hugo, relisons « Demain dès l’aube » et rappelons-nous. Si l’avant-dernier vers du poème termine par « tombe », le premier mot est « demain » et le dernier mot est « fleur », comme autant de signes d’espoir après un drame.
Aujourd’hui, certains d’entre nous ont participé aux cérémonies de la Saint-Jean d’Hiver, ils ont vu la Lumière revenir dans le Temple. Notre espoir réside en notre résilience et notre capacité au bonheur, deux matériaux robustes qui font les Francs-Maçons lorsqu’ils travaillent ensemble.
Comme lui qui a traversé le pire de ce que peut vivre un Père, sachons que nous devons lutter pour nous relever du terrible et trouvons, après la difficulté le courage d’écrire le beau.

« …
Et quand j’arriverai je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »
Demain dès l’aube – Les Contemplations – Victor Hugo – 1847, publié en 1856

Félix Natali
Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France.
19 décembre 2024

1. « Tutti Fratelli » : Tous Frères.