Concilier justice sociale et climat, telle est l’injonction…

«La certitude est une région profonde où la pensée ne se maintient que par l’action. Mais quelle action ?
Il n’y en a qu’une, celle qui combat la nature et la crée ainsi, qui pétrit le moi en le froissant. Le mal c’est l’égoïsme qui est au fond lâcheté.
La lâcheté, elle, a deux faces, recherche du plaisir et fuite de l’effort. Agir c’est la combattre. Toute autre action est illusoire et se détruit.
Serions-nous seuls au monde, n’aurions-nous plus personne ni rien à quoi nous donner, que la loi resterait la même et que vivre réellement serait toujours prendre la peine de vivre.»

Jules Lagneau, Célèbres leçons et fragments (1964)

Dans l’ouvrage – désormais classique – intitulé « De l’inégalité parmi les sociétés », mobilisant de nombreuses disciplines et démontrant comment les ressources naturelles et le hasard de la répartition initiale des espèces de faune et de flore ont favorisé ou pénalisé le développement de civilisations, Jared Diamond nous a enseignés que seules la biogéographie et l’écologie scientifique étaient susceptibles d’expliquer les énormes différences observées tout au long de l’histoire humaine dans la croissance des sociétés.
L’histoire, la pensée, l’aventure humaines sont ainsi difficilement dissociables du climat.
S’il est difficile, comme nos dirigeants peuvent actuellement en témoigner, de prendre la mesure des changements de nos sociétés contemporaines, le « nouveau monde » pourra certainement s’accommoder plus facilement d’un point de croissance en moins que d’un degré celsius en plus…
Pourtant, une nouvelle étude parue le 11 janvier 2019 dans « Science » revoit largement à la hausse l’évolution de la température des océans, confirmant ainsi certains modèles climatiques inquiétants.
En combien de temps peut s’effondrer une civilisation ? Un gouvernement ?
Concilier justice sociale et climat, telle est l’injonction forte qui nous est assignée afin de tendre à nouveau vers l’avenir, non comme une impasse, mais comme un horizon libérant les possibles.
Ce n’est pas forcément la direction que prendrait un gouvernement renversant le paradigme en matière de protection de l’ordre public, et en sacrifiant la logique pénale à des dispositifs d’interdiction administrative de manifester, préventive et individuelle.
La violence pourrait-elle avoir raison de la démocratie ?
Plus globalement, une question lancinante demeure : comment créer du commun, par-delà de multiples espaces de différenciation, lesquels dissimulent d’ailleurs de plus en plus mal les rapports de domination qui les sous-tendent ?
Ce qui nous renvoie en permanence à l’engagement, déniant à l’esprit tout confort, réitération chronique d’un choix crucial dont l’enjeu dépasse nos situations individuelles.
Eternelle aporie de la méditation solitaire cherchant à se retirer d’un monde qui n’a jamais autant réclamé de présence, tout en semblant se vider de son sens.
Paradoxe d’une contemplation tributaire de l’action, comme l’avait vu Alain :
« Le plus bel amour ne va pas loin si on le regarde courir. Mais plutôt il faut le porter à bras comme un enfant chéri. »

 

Edouard Habrant