Dossier sur l'Iran

Chroniques de voyage de notre Sœur Sylvie Woelfflé-Brilliard

« Faire du tourisme en Iran, quelle idée ? » cette phrase, je l’ai entendue une bonne dizaine de fois. C’est vrai, quelle idée d’aller en Iran en 2022. Les souvenirs de la révolution islamique iranienne, le visage rigide des ayatollahs, les femmes vêtues de la tête aux pieds du sombre tchador ont marqué les esprits durablement. Tout contribue au repoussoir d’un pays que l’on croit vivre au temps du Moyen-âge. L’Iran n’est pas le reflet de cette sombre image. L’ancien Empire perse c’est la modernité de sa capitale grouillante, Téhéran ou la vie est tout aussi trépidante qu’à Manhattan. L’Iran, c’est la grande beauté des céramiques bleues de la Mosquée d’Ispahan, c’est la décoration « blingbling » des palais des Chah Pahlavi imprégnés de style français, c’est la magie de ses couchers de soleil sur le caravansérail. C’est aussi le site grandiose de Persépolis, une folie du grand Roi perse
Darius Ier et les richesses de Shiraz, ses tissus et ses tapis persans noués à la main. L’Iran c’est encore la survivance de Zoroastrisme à Yazd avec son temple du feu et ses lugubres tours du silence. Visiter l’Iran est un incroyable plaisir des yeux et un tout aussi grand plaisir culturel.

Les Iraniens sont très souriants et très accueillants, ils vous demandent sans cesse d’où vous venez. Quand vous répondez, « de France » c’est la banane assurée et si vous répondez en plaisantant « des États Unis » les sourires se figent instantanément. Les Iraniens aiment la France. Ils gardent le souvenir bien ancré de la Chahbanou Farah Diba, francophone et francophile, parisienne jusqu’au bout des ongles qui travailla sur l’émancipation des femmes.

Oui, en Iran, les femmes portent le voile, c’est devenu un accessoire de mode. C’est à celle qui aura le plus luxueux. Les marques françaises ne sont pas en reste, Dior, Chanel, Hermès… Il est posé nonchalamment sur la tête, parfois même seulement sur le chignon. J’étais très surprise de voir des couples non mariés aller au restaurant ou se promener dans la rue, main dans la main, des femmes maquillées à outrance fréquenter les bars mais toujours avec ce foutu voile. Les Iraniennes adorent les Blue jeans serrés mais les cachent consciencieusement sous des tuniques amples, les bras sont couverts même si parfois les chemises sont un peu transparentes. J’étais aussi amusée du ballet que se livraient au sortir de l’avion les Iraniennes pour cacher leur mise en plis impeccable et leur mini-jupes sous un Hidjab sorti en boule du fond de leur sac.

C’est sur ce sujet que le vernis craque, j’ai la mauvaise habitude de poser les questions qui fâchent. Le voile est un symbole ? mais quel symbole ! Même si les mariages forcés ont très largement diminué, ils existent toujours. Les femmes ne peuvent travailler ou voyager sans l’accord de leur mari. Les divorces sont presque toujours à l’initiative du mari même s’il leur coûte très cher. La lapidation pour adultère existe toujours même si elle se fait beaucoup plus rare et surtout plus discrète, elle ne se fait plus sur la place publique.

J’ai quitté l’Iran vendredi 9 septembre 2022, quatre jours plus tard, Mahsa Amini, âgée de 22 ans, est morte. Elle a été arrêtée par l’unité spéciale de la police chargée d’appliquer les règles vestimentaires strictes pour les femmes, dont l’obligation de se couvrir les cheveux.

Le combat des femmes iraniennes, ce n’est pas le voile, mais c’est ce qu’il cache. J’ai dans mon cœur celles que j’ai rencontrées durant mon voyage, je me remémore leurs éclats de rire et leur joie de vivre et je veux ici saluer leur courage dans le combat qu’elles sont en train de mener. J’y pense tous les jours !

Sylvie Woelfflé-Brilliard

Communiqué Collectif Laïque National