Idées

LE TESTAMENT PHILOSOPHIQUE DE MOZART,
LA FLÛTE ENCHANTÉE – LA CLÉMENCE DE TITUS – LE REQUIEM

RENÉ TARRASSON

” .. Mozart était bien un Grand Initié. A la façon du Siècle des Lumières”

René Terrasson, Le Testament philosophique de Mozart : La Flûte Enchantée-La Clémence de Titus- Le Requiem. Editeur DERVY-269 pages

René Terrasson est Directeur d’Opéra, Musicien, Scénographe, Metteur en scène.

L’auteur nous décrypte l’œuvre de Wolfgang Amadeus Mozart, au XVIII e siècle, enfance et vie d’un génie précoce, à une époque appelée ” le Siècle des Lumières”. Aussi bien à travers la vie de Mozart, la naissance de la Maçonnerie, les Religions, les philosophes, la Politique, les Puissants, les Rites Maçonniques qu’à travers la passion originale et musicale…de “L’esprit Mozartien”.

Quelques embarras sont révélés par l’auteur, sur l’œuvre de Mozart : à l’époque des thèses nazies qui démontrent que le répertoire de Mozart n’avait rien à voir avec la Franc-Maçonnerie ; pour d’autres, que “la Flûte Enchantée” “Die Zauberflöte” (titre original en allemand), n’est qu’une grande farce de potache ou un conte féerique enfantin.

En 1791, les derniers mois de sa vie, il lègue au Monde l’apogée de son génie et le témoignage de ses convictions humaines de Franc-Maçon, sous forme d’un triptyque musical :
” La Clémence de Titus ;……. Les Devoirs envers soi
Die Zauberflöte;……………. Les Devoirs envers l’Humanité
La Messe de Requiem;….. Les Devoirs envers Dieu ”

C’est dans “La Flûte Enchantée” que se dissimule la grande porte des mystères du symbolisme maçonnique, par le biais de son écriture philosophique : LA MUSIQUE.

L’auteur nous révèle sa lecture personnelle de ” la Flûte Enchantée” au centre de ce triptyque, en démontrant que le visible accompagne la nécessaire acceptation de l’Invisible, tant celui-ci devient fort et présent.
On constate éberlué, ce qui avait été dissimulé volontairement. Avec, une lecture à plusieurs niveaux. L’immense chaine de la tradition maçonnique, Arche de la Franc-Maçonnerie du “Siècle des Lumières” : le Symbolisme.

 

Revenons à la source. Mozart était FM. En 1717 à Londres, c’était la grande affaire de l’époque, due à la résurgence et aux bouleversements des interrogations philosophiques et ésotériques.
La FM ” Spéculative” ouverte à tous les Hommes sans distinction de métier ou de naissance,
ou bien ” Opérative”, plus orientée vers la corporation des métiers de constructeurs, le compagnonnage.
Les textes ont un dénominateur commun, étroitement dépendant des Religions, Eglises ou de la vie théologique. Ne pas oublier la relation établie, dès 1906 , entre la Guerre Sainte dans les Croisades, et les connaissances et règles des Templiers.
Ensuite, l’arrivée de La Réforme avait permis un climat propice à l’épanouissement de la FM spéculative. James Anderson écrira ” les constitutions”, vers 1721, en établissant fondements, orientations, obligations de la FM moderne : ” un Franc-Maçon libre, dans une loge libre”
Un document qui est un véritable retour en arrière, riche et historique , avec des personnages exceptionnels, politiques, musiciens, philosophes, physiciens, mathématiciens, dans un énorme dédale d’évènements « d’Histoire ».

Mozart est initié à Vienne, en 1784, dans la loge ” la Bienfaisance”, et devient Maitre en 1785.
Il veut traduire ses convictions sur la destinée humaine, dans l’art qu’il maitrise, la musique, et qu’il considère comme moyen de communication avec ses semblables.
La vie créatrice de Mozart, et son œuvre gigantesque précèdent de peu un changement des idées :
..La fin du “Siècle des Lumières” amena le désenchantement. A l’ère des penseurs et des humanistes, succédait l’avènement des industriels et des sceptiques…”

Les Viennois raffolant de Musique, c’est son ami et “Frère” en maçonnerie, Emmanuel Schikaneder qui, au Printemps 1791, lui demande d’écrire un opéra féerique, son dernier opéra,
” la Flûte Enchantée” où se côtoient des animaux vivants, des orages spectaculaires, des méchants sorciers, Féérie et gravité, des bonnes fées, une Reine de la nuit, un homme oiseau … avec des motifs musicaux, les 3 battements (le chiffre 3, symbole de la Trinité et des 3 grades) et des symboles forts appartenant à la FM…
Opéra pour le théâtre, que dirige Schikaneder à Vienne. Il en a lui-même écrit le livret et se réserve un rôle.

Cet Opéra, le plus populaire, véritable testament spirituel de Mozart, avec une scénographie extraordinaire de sens, est le triomphe de la raison sur les ténèbres de l’obscurantisme. Mozart décèdera en Décembre 1791.
Il y délivre son testament musical et philosophique, message Universel de Tolérance et de Fraternité.

” Voici l’Homme Eclairé…
Mozart avait ressenti la nécessité de fondre son génie propre dans l’union des pensées attachées, comme lui, à la vérité du Monde. Sa nature de musicien lui fit dire l’essentiel dans l’impondérable des sons. C’est tout à fait suffisant pour laisser en épilogue :
LE TESTAMENT PHILOSOPHIQUE DE L’HOMME ACHEVÉ…”

Marie Francalanci

LE TRUBLION DU DIVAN !

 

« Ma spécialité, ce sont des cures très longues avec un résultat final qui s’étend jusqu’à un bouleversement fondamental du caractère des patients. Des succès pratiques, même avec des améliorations symptomatiques substantielles, ne semblent pas me satisfaire ».

Sandor Ferenczi
( Lettre à Sigmund Freud )

 

Peeters Benoît : Sandor Ferenczi l’enfant terrible de la psychanalyse. Editions Flammarion. Paris 2020, 383 pages.

Essayiste, biographe de Jacques Derrida, Paul Valéry et Hergé, Benoît Peeters est aussi le scénariste de la célèbre bande dessinée « Les cités obscures », ce qui explique et rend passionnante la composition de cet ouvrage sur l’un des acteurs les plus originaux de la création de la psychanalyse. Sans s’appesantir sur l’aspect purement technique de la psychanalyse, l’auteur y décrit la relation entre Sigmund Freud et son disciple hongrois Sandor Ferenczi avec, comme dans une bande dessinée, un apport iconographique remarquable.

Freud fut un homme compliqué, impliqué dans ses propres névroses, avec les conséquences que cela déclenchait sur son entourage. Cela commençait toujours par une attirance démesurée vers certains personnages qu’il adoube comme de véritables fils, dignes de lui succéder. Ceux-ci vivent cette reconnaissance comme une véritable prédestination, pour des raisons liées à leur histoire personnelle (recherche de la reconnaissance d’une figure paternelle). Pour plaire à Freud, mais aussi parfois pour le contester, comme un enfant le fait en se mesurant au père, ils vont mettre en avant leurs propres théories qui seront parfois récupérées par Freud, ou qui en feront des contestataires en perte de vitesse devant le jugement de la figure tutélaire. Puis pour regagner du terrain et se faire de nouveau remarquer, ils seront dans l’obligation d’aller jusqu’à la dissidence ou d’aller jusqu’au délire, à des atteintes psychosomatiques et parfois au suicide. C’est, par exemple, le cas de Wilhelm Fliess ( 1858-1928 ), d’Alfred Adler ( 1870-1937 ), Carl-Gustav Jung ( 1875-1961 ), Otto Rank ( 1884-1939 ), Victor Tausk ( 1879-1919 ). Pris lui-même dans une relation forte à la représentation paternelle, Freud supporte avec difficulté toute contestation et n’hésite pas à critiquer et à se séparer des fils rebelles, de ceux qu’il évoquera dans « Totem et Tabou » 1 . Ce sera aussi le destin de Sandor Ferenczi.

Sandor Ferenczi ( 1873-1933 ) est né en Hongrie, issu d’une famille de juifs polonais émigrés. Il deviendra le disciple préféré de Freud, mais aussi le clinicien le plus doué de l’histoire débutante de la psychanalyse. Il sera le créateur de l’école hongroise de psychanalyse qui donnera naissance à une prestigieuse filiation : Mélanie Klein, Geza Roheim, Michael Balint. Devenu médecin, il est remarqué pour sa qualité d’écoute des malades et ses prises de position en faveur des femmes et de certaines catégories de minorités opprimées ( les homosexuels notamment ). C’est en 1908, après avoir lu « L’interprétation des rêves »2 avec enthousiasme qu’il va rencontrer Freud. A partir de cette rencontre, Ferenczi échangera, pendant un quart de siècle, mille deux cents lettres avec le maître de Vienne qui sont une somme d’inventions théoriques et cliniques ainsi que de confidences privées. Les deux personnalités sont, dès le départ de leur relation, différentes : Freud aime la raison, la logique et les constructions doctrinales ; Ferenczi cherche dans la psychanalyse le moyen de supprimer la souffrance des patients et est plus inventif que Freud dans l’analyse des relations à l’autre. En 1908, il découvrira l’existence du contre-transfert en expliquant à Freud sa tendance à considérer les affaires du malade comme les siennes propres. Cette idée sera récupérée par Freud lui-même qui en fera un point central de la cure analytique. A cette époque, étrangement, ce qui rapproche les deux hommes, est un goût commun pour les recherches dans l’ésotérisme ( N’oublions pas le succès d’Alan Kardec et de Conan Doyle ! ). Cette tendance sera critiquée d’ailleurs par le très rationaliste Jones dans sa vie de Freud 3

Autant Ferenczi se présente comme une importante recrue pour la psychanalyse, autant il pose problème à Freud pour ce qui concerne sa vie affective et l’image qu’elle peut donner à un public souvent hostile à la nouvelle science ( Ce qui sera aussi le cas de Jones ). Ainsi, Ferenczi, dans une étonnante attitude adolescente, va s’éprendre d’une femme mariée ( dont le mari est consentant mais ne veut pas divorcer et décédera plus tard ), Gizella, qui a sept ans de plus que lui et qui a deux filles. Ferenczi va en prendre une en analyse, Elma, qui deviendra l’objet de ses désirs alors qu’il a déjà sa mère en cure et comme maîtresse aussi! En fait, il veut conserver les deux. Bien entendu, il va prendre Freud à témoin de ses mésaventures sentimentales, en lui demandant de le reconnaître comme un père reconnaît un fils, tout en lui signifiant qu’il peut se passer de lui, ce qui place Freud dans une situation impossible et dans une grande colère. Freud, contraint de jouer le père autoritaire lui ordonne d’épouser Gizella et de renoncer à Elma ! Ferenczi demande alors que Freud prenne Elma en analyse, puis se fait analyser lui-même à trois reprises par lui. On voit comment les rapports de Freud et de Ferenczi se sont joués, dans toutes leurs ambiguïtés à-travers le processus analytique qui conduit un sujet à passer de l’infantile à l’adulte, de la déraison à la raison, de la toute-puissance illusoire à la sagesse, de la jouissance au vrai désir. Tout en poursuivant sa cure avec Freud, Ferenczi s’investit dans le mouvement analytique naissant. En 1909, avec Jung, il accompagne Freud aux U.S.A. Il l’accompagnera aussi dans un voyage en Italie et la même année, il fonde l’ « International Psychoanalytical Association » ( I.P.A. ) et en 1912, il met sur pied la « Société Psychanalytique de Budapest ». C’est en 1913, où se crée le Comité secret, dont il fait partie, que va débuter la grande controverse à l’intérieur du mouvement analytique entre les tenants d’une orientation rationaliste pour la psychanalyse, dont Jones est le représentant, et ceux qui comme Ferenczi, sont plus ouverts à des expériences jugées déviantes, irrationnelles ou extravagantes, comme la télépathie.

A partir de la fin de la Première Guerre mondiale, les événements politiques vont s’accélérer : la dictature de l’amiral Horty se met en place, après une courte période d’un gouvernement d’extrême-gauche, dirigé par Bela Kun où, pour la première fois, la psychanalyse sera enseignée à l’université ! En 1919, comme Otto Rank, Ferenczi va s’engager sur la voie d’une réforme de la technique psychanalytique : il va mettre au point la technique active qui consiste à intervenir directement dans la cure par des gestes de tendresse et d’affection et par une analyse mutuelle, au cours de laquelle le patient est invité à diriger la cure en même temps que le thérapeute ! Cette pratique va offusquer Freud pour qui la cure est verbale et ne doit jamais faire intervenir le réel et remplacer ce qu’il en est de l’imaginaire transférentiel du sujet. En 1924, Ferenczi va publier : « Thalassa. Essai sur la théorie de la génitalité »4 , proche de celui de Rank sur le traumatisme de la naissance. Chez Rank et chez lui, va disparaître peu à peu l’idée de la primauté de la figure paternelle au profit d’une recherche sur les origines du lien archaïque de l’enfant à la mère : thème mis en œuvre à la même époque par Mélanie Klein, sauf que Ferenczi se place sur le terrain des théories darwiniennes. Il soutient que la vie intra-utérine ressemble à l’existence des organismes primitifs vivant dans l’océan et que l’homme ayant la nostalgie du sein de la mère, chercherait à régresser à l’état fœtal dans les profondeurs marines.

Ces hypothèses seront attaquées durement par le sérail freudien, Jones notamment qui rêve de prendre la première place aux yeux de Freud et, plus durement, par Freud lui-même.. Accusé d’être paranoïaque, sa tension mentale va être importante et sans doute jouer sur son état physique : Ferenczi meurt d’une anémie pernicieuse. Dans son hommage, Freud soulignera, avec une certaine critique, que Ferenczi avait monopolisé son intérêt sur un unique problème : « Le besoin de guérir et d’aider était devenu chez lui surpuissant ». Terrible constat pour celui qui faisait passer la théorie en priorité et qui pensait qu’en second lieu « la guérison advenait de surcroît » ! Jacques Lacan sera très influencé par Sandor Ferenczi dans sa recherche et sa pratique du rôle du thérapeute qui abandonnera l’idée freudienne du psychanalyste comme modèle pour le patient et le remplacera par une attitude fondée sur la collaboration d’une faiblesse commune pour atteindre la guérison. Sandor Ferenczi fut le représentant typique d’une époque de constitution de la psychanalyse. Epoque d’inventivité et de recherches fondamentales, où des hommes approchaient avec passion et contradiction le vaste océan de l’inconscient…

Merci, une fois encore à Benoît Peeters pour son passionnant ouvrage.

Michel Baron

NOTES

1 Freud Sigmund : Totem et Tabou. Paris. Ed. Payot. 1970.

2 Freud Sigmund : L’interprétation des rêves. Paris. PUF. 1967.

3 Jones Ernest : La vie et l’oeuvre de Sigmund Freud. Tome 3 /Les dernières années. 1919-1939. Paris. Ed. PUF. 1975 ». ( Article : « Occultisme ». Chapitre XIV. Pages 425 à 460 ).

4 Ferenczi Sandor : Thalassa. Essai sur la théorie de la génitalité. Paris. Ed. Payot. 2002.

BIBLIOGRAPHIE

– Ferenczi Sandor : Oeuvres complètes. Paris. Ed. Payot . 1908 à 1982.

– Freud Sigmund : La naissance de la psychanalyse. Paris. PUF. 1986.

– Freud Sigmund : Ma vie et la psychanalyse. Paris. Ed. Gallimard. 1950.

– Freud Sigmund : Introduction à la psychanalyse. Paris. Ed. Payot. 1962.

– Freud Sigmund : Trois essais sur la théorie sexuelle. Paris. Ed. Gallimard. 1987.

– Groddeck Georges : Correspondance . Paris. Ed. Payot. 1982.

– Rank Otto : Perspectives de la psychanalyse. Paris. Ed. Payot. 1994.

– Rank Otto : Le traumatisme de la naissance. Paris. 1976.