Le Myosotis : mémoire et fidélité, au-delà des loges

Selon une légende autrichienne, un chevalier et sa dame se promenaient le long du Danube lorsqu’ils aperçurent un bouquet de myosotis flottant à la surface de l’eau. Le chevalier plongea dans le fleuve pour le récupérer et fut emporté par le courant. Avant de disparaître, il lança les fleurs à la dame en criant : « Ne m’oubliez pas ! ». Cette légende lui donna son nom en anglais : Forget-me-not.

Discrète et modeste, la petite fleur bleue du myosotis —désormais symbole floral de : « ne m’oublie pas » — est devenue au fil du temps un puissant symbole de fidélité, de mémoire et de résistance. Si son apparence fragile évoque la simplicité et l’humilité, son histoire, profondément liée à la Franc-Maçonnerie, témoigne d’une force intérieure et d’une fraternité indestructible.

Son usage maçonnique remonte aux années sombres du XXᵉ siècle. En 1934, lorsque le régime nazi interdit les loges en Allemagne, les Frères durent cacher leur appartenance. Les symboles traditionnels étant devenus trop dangereux à arborer, le myosotis fut choisi comme signe discret de reconnaissance. Utilisée à l’époque par une œuvre caritative allemande, cette petite fleur pouvait être portée sans éveiller de soupçons. Elle devint alors le signe silencieux de la fidélité maçonnique, symbole de courage et de persévérance dans la clandestinité.

Après la guerre, la Grande Loge d’Allemagne décida de conserver le myosotis comme emblème du souvenir et de la fidélité. Depuis, il est souvent porté lors des tenues commémoratives, en mémoire des Frères disparus ou persécutés. Sa couleur bleue renvoie au ciel, à la quête spirituelle et à la pureté de l’idéal maçonnique, tandis que sa petitesse rappelle l’humilité du chercheur de vérité.

Mais au-delà des loges, le myosotis a conquis une portée universelle. Dans plusieurs pays, il est devenu un symbole civique du souvenir, rendant hommage à toutes les victimes des totalitarismes. Comme le coquelicot rouge des pays anglo-saxons, il exprime la mémoire et le respect envers ceux qui ont souffert pour la liberté et la dignité humaine.

Aujourd’hui, nombre de personnes non maçonnes le portent par fidélité à un proche, par devoir de mémoire ou par adhésion à des valeurs humanistes. Ainsi, le myosotis dépasse la sphère initiatique pour devenir un emblème universel de fraternité, de mémoire et d’espérance — une petite fleur qui, à sa manière, nous invite à ne jamais oublier

A.C.
Grand Trésorier