Les droits des femmes

« JE PEUX ENFIN VOUS VOIR EN PEINTURE ! »

ROSA BONHEUR ( 1822-1899 ) LE DROIT DES FEMMES A LA CRÉATION ARTISTIQUE

«Je n’ai jamais consenti à aliéner ma liberté sous aucun prétexte » Rosa Bonheur – 1898.

 

Elles sortent enfin de l’ombre, après une éternité d’oubli et de résistance. Qui « elles »? Les femmes artistes. Plusieurs expositions de peinture les mettent en vedette. Nous citerons pour exemple la très belle exposition qui se déroula au Musée du Luxembourg du 3 mars au 4 juillet 2021, sous le titre : « Peintres femmes, 1780-1830/ Naissance d’un combat ». Avec surprise et un immense plaisir, le visiteur pouvait s’émerveiller du travail d’artistes inconnues, d’un talent fou, reléguées dans les réserves des musées, sous la suspicion qu’il fût étrange qu’une femme puisse avoir l’audace de s’emparer de l’expression picturale, domaine relevant essentiellement de la gent masculine au long de l’histoire. Qui plus est, la Révolution de 1789, par excellence prise de pouvoir de la bourgeoisie sur la noblesse, n’inscrira ni le droit des femmes ni leur expression dans ses crédos. Force est de constater que l’influence des femmes, sous l’ancien régime, se manifestait de façon probante en politique, en art, dans la vie sociale. Après quelques mois de participation, la révolution va les mettre dans l’ombre des conceptions jansénistes qui font en réalité son fondement et sa morale. Après l’extase, y a la vaisselle ! Et puis, l’art c’est d’abord une activité d’aristocrates ou de la grande bourgeoisie qui les copie : l’exemple d’Elisabeth Vigée Le Brun ( qui sauvera sa tête en fuyant la France) est significatif. Joue aussi un aspect moralisateur. Ainsi, avant le déclenchement de la révolution, un ecclésiastique, l’Abbé de Fontenay, écrit à propos des femmes peintres, en 1785, dans le «Journal général de France » (1) : « Comment pourront-elles trouver assez de temps pour être à la fois épouses soigneuses, mères tendres et bienveillantes, chefs vigilants de leurs domestiques, et peindre autant qu’il est nécessaire pour le faire bien ? ». Les psychanalystes qui s’intéressent à l’art, comme par exemple Janine Chasseguet-Smirgel ( 2 ), estiment que le blocage des femmes dans l’art par les hommes vient de la supériorité de la femme sur l’homme du fait de la conception maternelle et qu’il serait intolérable qu’elle puisse se livrer à une autre création, artificielle celle-là, en plus de celle accordée par la nature, l’art étant le succédané chez l’homme de l’impossible grossesse et accouchement. Trop, c’est trop ! Ce que Rosa Bonheur va récuser avec succès durant ses 77 ans d’existence : rien n’est de trop dans l’expression du talent des femmes et dans leur revendication à l’égalité avec les hommes.

 

Le nom a toujours quelque chose de significatif dans le fonctionnement de l’inconscient : être nommé donne une orientation de vie. Ainsi pour Rosa, atteindre le bonheur sera un idéal auquel elle parviendra après avoir traversé une grande précarité. Le « garçon manqué », telle qu’on l’appelle dans son enfance, est issue d’un milieu où le « non-dit » est cultivé : elle apprendra plus tard, au terme d’incessantes recherches, que sa mère, Sophie, est une enfant naturelle dont le père est un riche commerçant bordelais : Jean-Baptiste Dublon de Lahet . Celui-ci la fera venir à Bordeaux et veillera à lui donner une très solide éducation, « surclassée », en regard de sa non-reconnaissance officielle. Elle épousera son professeur de dessin et de peinture, Raymond Bonheur. Ces origines donneront à Rosa une haine du mensonge et une véritable religion du « dire vrai ». Elle va affirmer son caractère bien trempé dans une scolarité chaotique, dans laquelle sa mère sera notamment obligée d’utiliser des subterfuges pour lui apprendre à lire : par exemple, faire correspondre une image d’animal à chaque lettre de l’alphabet ! Rosa, qui adore son père, rêve de peindre et dessiner comme lui. Un père idéaliste, très engagé dans l’utopie sociale du Saint-Simonisme ( 3 ), qui donne des leçons de dessin et de peinture pour survivre mais c’est la mère qui assure réellement le quotidien par des travaux de service toujours aléatoires. Elle en meurt bientôt d’épuisement et le père et sa fille quittent Bordeaux pour s’installer, dans une grande précarité à Paris. Avec la conviction qu’elle a du talent, Rosa va participer à plusieurs salons où elle est remarquée. Et le succès commence ! Très vite, les pays anglos-saxons vont s’intéresser à elle, car ses représentations du monde rural et animal touchent les Britanniques et les Américains. Elle va d’ailleurs faire un voyage en Angleterre et en Ecosse , à la fois pour peindre et faire la promotion de ses travaux. Elle va rencontrer durant son séjour des personnalités célèbres : Sir Edward Landseer ( 1802-1873 ) peintre très connu et à la mode, la reine Victoria et l’influent critique d’art John Ruskin. Très vite son œuvre va déborder les frontières nationales et représenter la force symbolique internationale de l’art. Ce que déclare le collectionneur d’art et homme d’affaires chinois Ching Tsai Loo (1880-1957) : « L’art n’a pas de frontières et les objets d’art parcourent le monde tels des ambassadeurs silencieux ».

 

Bientôt, les œuvres se succèdent : « Labourage nivernais » (1849), le très célèbre « Marché aux chevaux » (1853), le « Sevrage des veaux » (1879), des auto-portraits, etc. Oeuvres que nous pouvons juger un peu kitsch et mièvres aujourd’hui mais qui vont lui amener une incroyable notoriété à l’époque. Elle sera la plus cotée sur le marché de l’art, la plus populaire Outre-Atlantique où on la considérera comme l’une des personnalités majeures du XIX ème siècle. Rosa Bonheur devient une notable qui, riche, échappe à la très redoutable pauvreté. Elle va acheter le château de By ( en fait une très grande demeure bourgeoise), sur les hauteurs de Thomery, en lisière de la forêt de Fontainebleau. Cet achat correspond à deux orientations : spécialiste de la peinture animalière elle y voit la possibilité de vivre entourée de bêtes ( y compris une lionne ! ) et de réaliser son rêve de filiation nobiliaire, par rapport à son grand-père et à sa mère. C’est là que l’Impératrice Eugénie, vint la visiter à l’improviste en 1865, afin de lui remettre la légion d’honneur. Elle deviendra ainsi la première femme artiste parvenue au grade d’officier dans cet ordre. Elle sera aussi la première femme à obtenir de la préfecture l’autorisation de travailler en pantalon. Auparavant, l’ordonnance de novembre 1800 stipulait que les femmes devaient, pour porter le pantalon, faire une demande d’autorisation de travestissement !

 

Etrangement, Rosa Bonheur ne sera que peu mentionnée dans les écrits sur l’art ( Toujours la malédiction concernant les femmes artistes ? ), alors qu’elle est très représentée dans les musées du monde : Metropolitan Museum of Art de New-York, National Galery of Art de Washington, Musée d’Orsay, etc. Des monuments et des rues à son nom sont très nombreux en France : Paris 15ème, Bordeaux, Melun, Fontainebleau, Nice, La Rochelle, Lyon, Belfort, Perpignan, Roubaix, Vesoul. Son souvenir ira jusqu’à donner son nom à trois guinguettes parisiennes et au début du XXème siècle elle servira de référence aux femmes peintres dans leur lutte pour que les femmes deviennent enfin membres du salon des artistes français !

 

Présentée comme modèle du féminisme, elle l’est dans une stratégie différente de celle qui consiste à produire des écrits ou à contracter des engagements politiques : bien intégrée dans le conservatisme de l’époque, elle va influencer les femmes de son milieu, non par des discours qui ne les toucheraient guère, mais par l’expression de sa propre liberté, quoi qu’il advienne et quoi qu’en pense l’environnement, hors de ce qui serait « le devoir et le comportement de la femme ». Elle fume la cigarette et le Havane à By, célibataire elle fait des tableaux au lieu d’enfants et fréquente qui elle veut : ainsi au moment de l’exposition universelle de Paris de 1889, elle invite « Buffalo Bill » ( William Cody ) avec qui elle partage le goût pour la vie sauvage. Son amitié pour cet homme haut en couleur se traduira par un tableau de lui ! On lui connaît deux relations amicales profondes et durables : Nathalie Micas et Anna Klumpke qui sera son héritière et sa mémorialiste ( Elle est enterrée avec ces deux amies dans la 74ème division du Père Lachaise ). Elle avait trouvé le bonheur après l’agitation d’une vie incertaine et, comme Xavier de Maistre le dit dans « Le voyage autour de ma chambre » : « C’est un excellent meuble qu’un fauteuil…Il est quelquefois doux de s’y étendre mollement…Un bon feu, des livres, des plumes, que de ressources contre l’ennui ! Les heures glissent alors sur vous et tombent en silence dans l’éternité sans vous faire sentir leur triste passage »…

 

Libre et excentrique, Rosa Bonheur prouve que la féminité passe avant tout par l’exemple, par le courage d’être soi et de ne jamais céder sur ses désirs comme dirait l’ami Jacques Lacan !

 

Michel BARON

NOTES

– (1) Revue Beaux Arts : Peintres femmes, 1780-1830/ Naissance d’un combat. 2021 ( Page 19 ).

– (2) Chasseguet-Smirgel Janine : Pour une psychanalyse de l’art et de la créativité. Paris. Ed. Payot. 1971.

– (3) Saint-Simonisme : Doctrine économique et sociale élaborée par le comte de Saint-Simon ( 1760-1825 ). Courant de pensée très féministe. Par exemple, c’est grâce aux appuis des Saint-simoniens que Julie-Victoire Doubié, future journaliste, sera la première femme à se présenter avec succès au baccalauréat à Lyon, en 1861. Son diplôme lui sera remis signé par le Ministre. Les influences de ce mouvement auquel appartient son père, joueront certainement sur le féminisme de Rosa Bonheur.

BIBLIOGRAPHIE

– Bonheur Rosa et Anna Klumpke : Souvenirs de ma vie. Paris. Ed. Phébus. 2022.

– Borin Marie : Rosa Bonheur. Une artiste à l’aube du féminisme. Paris. Ed. Pygmalion. 2011.

– Bouchenot-Déchin Patricia : J’ai l’énergie d’une lionne dans un corps d’oiseau. Paris. Ed. Albin Michel. 2022.

– Klumpke Anna : Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre. Paris. Ed. Les Essentiels de l’atelier. 2020.

 

Communiqué de presse de la Grande Loge Mixte de France

LES FEMMES MÉRITENT MIEUX QU’UNE JOURNÉE

Pour la Grande Loge Mixte de France, les droits des femmes sont un combat de tous les instants et ne sauraient être réduits à une journée événement.

 

Comme tous les ans, le 8 mars est l’occasion de rappeler l’importance de la lutte pour les droits des femmes à travers le monde. Sans remettre en cause l’importance de cette date pour marquer les esprits, cette journée ne doit pas faire oublier que cette lutte se joue tous les jours de l’année depuis des décennies.

Sur 1,3 milliards de personnes vivant dans la pauvreté, 70% sont des femmes et on estime que 736 millions de femmes ont subi des violences ou agressions sexuelles sans parler des comportements machistes du quotidien.

Le conflit armé qui vient d’éclater entre la Russie et l’Ukraine, met en lumière la terrible condition des femmes et des enfants qui subissent les violences et le déchirement de l’exil partout dans le monde.

La solidarité des femmes n’est pas un vain mot, la défense des droits des femmes est universelle même en temps de guerre.

Je tiens à rendre hommage et à mettre en lumière le combat quotidien, trois-cent-soixante-cinq jours par an, que mènent les associations et toutes les militantes anonymes contre les inégalités, contre les violences faites aux femmes et pour l’émancipation des femmes face aux extrémismes partout dans le monde et parfois au péril de leur vie.

Christiane Vienne,

Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France

PRÉSENTATION DU C.I.D.F.F. – FRANCE VICTIME – 17


La fédération Nationale des C.ID.F.F. (Centre d’Information du Droit des Femmes et des Familles) est née en 1972 et implantée en Charente Maritime depuis 1982. Le CIDFF 17 fait aussi partie de la fédération régionale de Nouvelle Aquitaine. Il a pour but, notamment, de contribuer au développement de l’égalité des Femmes et des Hommes dans le respect des différences. L’antenne principale se trouve à La Rochelle, mais dans le souci de couvrir tout le département, nous avons une antenne à Saintes et des permanences sur tout le territoire. Ceci afin de toucher les zones éloignées et rurales afin que tous aient accès à nos services.

Au fil des années, les missions du CIDFF ont évolué en fonction des besoins exprimés par les femmes et les familles et par les dispositifs des pouvoirs publics en matière de droit des femmes, droit de la famille, droit des victimes, sortie de la prostitution et des dispositifs d’insertion professionnelle.

Qu’est ce que le CIDFF-France Victime ?

– une Association, loi 1901, constituée d’un Conseil d’Administration et d’un bureau actif d’une douzaine de personnes ;

– une équipe pluridisciplinaire d’une quinzaine de professionnel.le.s constituée de :

* une équipe de direction et une assistante de direction ;

* un secrétariat chargé de l’accueil à La Rochelle et à Saintes ;

* une équipe de juristes pour le service d’aide aux victimes et pour le point d’accès aux droits ;

* une équipe de psychologues cliniciennes

* une équipe de conseillères à l’emploi

* une assistante sociale.

– sans oublier les bénévoles qui s’investissent auprès des salarié.es, et aussi au sein de diverses commissions, notamment lors d’actions évènementielles principalement autour du 8 mars (journée internationale des droits des femmes) et du 25 novembre (journée contre les violences faites aux femmes).

Quelles sont ses finalités sur la Charente Maritime ?

Changer le regard : soutenir et faire évoluer la place des femmes, des familles et des victimes dans la société ;

Promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans le respect des différences ;

Lutter contre toutes les formes de discrimination ;

Lutter contre toutes les formes de violences ;

Accompagner vers l’autonomie, informer, accompagner les victimes d’infractions pénales ;

Assurer la fluidité des parcours en proposant une réponse aux bénéficiaires de nos services allant de l’accueil et de l’identification des problématiques à l’accompagnement dans le domaine de l’emploi, de l’information juridique et de l’aide aux victimes ;

Travailler avec les autres partenaires dans la transversalité (médecins, infirmières, gendarmerie, police, professionnels des services sociaux, etc.) ;

Sensibiliser et former les publics jeunes : collégiens, lycéens, étudiants.

Tous nos services sont anonymes, gratuits et confidentiels.

Etant une association, toutes nos actions sont soumises à des conventions avec des partenaires très divers qui nous accordent des subventions qui nous permettent de recruter et rémunérer nos salarié.es. Parmi les principaux financeurs, nous trouvons l’Europe, l’Etat (ministères de la Justice, Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances), la Région Nouvelle Aquitaine, l’Agence Régionale de Santé, le Département de la Charente Maritime, les Agglomérations de La Rochelle, Rochefort, Royan et Saintes, certaines Communautés de Communes (île de Ré, Jonzac,..), la Caisse d’Allocations Familiales, etc.

En conclusion, il s’agit du mode de fonctionnement du CIDFF-France Victimes 17. Certains CIDFF, dans d’autres départements, ne fonctionnent pas ainsi. Mais tous sont au service des femmes pour leur donner la même égalité des chances que les hommes, pour leur avenir.

 

Marie-Andrée TEMPLEREAU : Vice-Présidente du C.I.D.F.F. 17

Rolande GAUTHIER : membre du bureau du C.I.D.F.F.17 et Trait d’Union – Thélème, Orient de La ROCHELLE (GLMF)

Samuel ARZUR : membre du bureau du C.I.D.F.F.17 et Trait d’Union – Thélème, Orient de La ROCHELLE (GLMF)

PIERRE DE TOUCHE: EMISSION #77


Les droits des femmes, les nouveaux espaces du féminisme

Dimanche 06 Mars 2022, pour la 77ème édition de Pierres de Touche, l’émission hebdomadaire de la GLMF, nous vous avions proposé une émission consacrée aux droits des femmes et aux nouveaux espaces du féminisme.

 

Alors que l’Assemblée Nationale a voté il y a quelques jours l’allongement du délai légal pour recourir à un avortement et que quatre femmes sont candidates à l’élection présidentielle, force est de constater que la lutte pour les droits des femmes est loin d’être terminée.

 

Aussi, pour échanger sur ce sujet, nous avions invité :

 

Laure CAILLE, présidente de Libres MarianneS,

Annie SUGIER, physicienne, présidente de la Ligue du Droit International des Femmes,

Christiane VIENNE, ancienne ministre belge de la santé et des droits des femmes, Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France

Ecoutez l’émission en cliquant juste en dessous