« L’étranger »

Noirs comme le deuil et la mort qui frappent partout dans le monde sur les marchés, dans la rue, dans les gares, sur les terrasses des cafés…

« L’étranger »

Vingt heures. Je prends un verre avec un couple d’amis. Du moins pour l’instant car la conversation va changer et l’envie d’être ensemble aussi.
Deux hommes chargés du recrutement viennent de les croiser en sortant de chez moi.
Nous prenons place et la conversation s’engage :
« Dire que nous étions à peine 45 millions d’habitants en France quand j’étais à l’école primaire ( 1950) et que nous sommes plus de 65 millions maintenant. Tout ça à cause des étrangers qu’on laisse rentrer trop facilement. » J’attends la suite bien connue… trop connue.
la sentence est tombée. Et l’ambiance aussi…
Avez-vous observé le regard des gens qui croisent un migrant comme il est dit maintenant pour désigner celui qui vient d’ailleurs.
Un migrant, un ressortissant, un immigré, un israélite, un homme de couleur…
Prononcé avec pudeur, dans une espèce de gêne, mais qui veut en dire « long ».
Je suis effaré d’entendre régulièrement des propos xénophobes autour de moi et comble de l’horreur, MEME en maçonnerie…
Combien d’actes dirigés contre des mosquées, des églises, des synagogues.
Un enfant qui porte une Kippa dernièrement à Sarcelles…
Quelle est cette triste dérive inacceptable et dangereuse ?
Comment ne pas accepter l’Autre simplement parce qu’il semble étrange ?
Il est bien sûr confortable de pratiquer la politique du bouc émissaire, problème d’égo collectif ou individuel sans doute. Il suffit de voir le malaise des gens lorsqu’un crime est commis par le quidam moyen qui nous ressemble. C’est tellement plus pratique lorsqu’il est différent, et encore plus pratique lorsqu’il vient d’ailleurs, c’est rassurant n’est-ce pas ?
Cette malédiction qui progresse dans le monde, en Europe, en France cassant les barrières de la mémoire « plus jamais ça ! »
Ces partis politiques nauséabonds qui sont à la porte de nos démocraties et parfois même à l’intérieur de notre maison ou de celle du voisin polonais.
Alors pour éviter les débordements on crée des lois de discrimination positive pour que l’égalité règne et évite les problèmes. Mais chercher des solutions pour que les hommes s’entendent entre eux, c’est reconnaître qu’il y a des différences qui gênent, qu’il faut faire des concessions et être soi-disant tolérant.
Tolérant, position horizontale qui consiste le plus souvent à regarder l’Autre de haut en considérant que l’on accepte qu’il puisse avoir une réflexion éloignée, mais que, bien sûr, il n’est pas dans la bonne voie !
Mais l’autre c’est peut être simplement celui qui n’a pas le même sexe, car le sexisme n’est pas toujours très loin.
C’est celui ou celle qui a ses préférences.
C’est celui qui n’a pas la même religion ou pas de religion du tout.
Mais l’autre c’est peut être simplement celui qui ne pense pas comme vous et qui gêne, contrarie, perturbe vos certitudes, excite votre jalousie.
Pratique un autre rite…
Sa présence seulement est dérangeante, même s’il ne présente aucun danger pour votre existence toute tracée, monotone, rectiligne, sans pas de côté.
Comment cet Autre ose penser, fonctionner différemment ?
Moi qui détient la vérité.
Qui ne se pose pas de questions .Immobile, figé.
Et cet autre est d’autant plus gênant qu’il vous ressemble étrangement. Etranger.
Et d’ailleurs cet autre, c’est peut être simplement vous !
Rappelez-vous le miroir.

Accepter l’autre, c’est ne pas se poser de questions, il est là, c’est tout !…

 

Guy Lecourt le 6 janvier 2018