Édito du Grand Maître - mai 2022

« L’identité se construit au fil de la vie, au fur et à mesure que le sujet va se ranger sous certains signifiants » Agnès Condat

Le joli mois de mai, mois de l’arc-en-ciel !

Le 17 mai a eu lieu la journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie.

Toutes les phobies portant sur l’identité sexuelle ont en commun le rejet de tout ce qui s’éloigne de la norme hétérosexuelle.

L’orientation sexuelle reste encore aujourd’hui un sujet difficile et peu abordé en Franc-Maçonnerie. Nous l’avions fait en 2020 lors d’une Conférence de l’Association Bioéthique et Liberté consacrée à la question du genre.

Agnès Condat, Docteur psychiatre, psychanalyste, consultation identité sexuée, service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, nous avait accompagnés dans cette réflexion.

Elle soulignait alors un élément qui me semble fondamental :

« Et donc peut-être aussi de voir l’identité non pas comme l’aboutissement d’une construction linéaire qui vient à un moment, à l’âge adulte, se fixer et s’épanouir mais plutôt comme vivante, dynamique, en création perpétuelle et je dirais qu’il faut du jeu entre ces dimensions d’identité, ce corps réel, cet imaginaire et cette inscription dans le social, pour qu’advienne le « je » du sujet et cela peut se rejouer à chaque moment de la vie. L’identité se construit au fil de la vie, au fur et à mesure que le sujet va se ranger sous certains signifiants, Lacan disait « être une femme finalement c’est se ranger sous le signifiant « femme » et être un homme c’est se ranger sous le signifiant « homme », et il y a tous les autres signifiants car ils sont aussi gender fluides, a-gender »

Devenir totalement soi-même prend toute une vie et cela intègre la dimension de l’identité sexuelle, de genre, en acceptant que cela puisse évoluer dans le temps.

Nous qui sommes sensibles à la Liberté, à l’Egalité et à la Fraternité ne devrions pas avoir de pudeur quand il s’agit de défendre la plus élémentaire des libertés, celle d’être soi !

L’homosexualité n’est ni une maladie, ni un choix.

L’orientation sexuelle ne se choisit pas, elle fait partie de chacun d’entre nous et devrait s’inscrire dans l’intimité de chaque vie et n’avoir aucune conséquence sociale.

Les raisons qui poussent à l’homophobie et aux autres phobies de genre sont ancrées, entre autres, dans une conception héritée du judéo christianisme selon laquelle le sexe ne devrait servir qu’à la procréation. A cela vient s’ajouter une volonté de contrôle de la sexualité qui s’est imposée pendant des siècles aux femmes et à tous « les déviants ».

Contrôler la sexualité, l’intime, de l’humanité revient à contrôler les pulsions vitales, à mener la plus cruelle des « biopolitiques », le rêve de toutes les dictatures politiques ou religieuses !

Pendant longtemps l’homosexualité a été considérée comme une maladie psychiatrique. Ce n’est qu’en 1992 que la France a légiféré à ce sujet.

Qu’est-ce que l’homophobie ?

Sans entrer dans les controverses sémantiques sur les catégories concernées, je reprendrai cette définition de Wikipédia qui me semble assez explicite :

L’homophobie est le mépris, le rejet violent, ou la haine envers des personnes, des pratiques ou des représentations homosexuelles ou supposées l’être. L’homophobie englobe donc les préjugés et les discriminations, et cela peut se manifester par de la peur, de la haine, de l’aversion, du harcèlement, de la violence ou encore de la désapprobation intellectuelle intolérante envers l’ensemble de la communauté LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre).

L’homophobie peut aller jusqu’au meurtre. Dans sa version plus ordinaire elle s’exprime surtout à travers le harcèlement et le mépris.

Les injures, les insultes, les agressions physiques constituent le quotidien de nombreux jeunes homosexuels et alimentent une peur, une angoisse qui peut pousser au suicide. Le taux de suicide est de 3 à 6 fois, selon les pays, plus élevé chez les jeunes homosexuels que chez les jeunes hétérosexuels.

Les jeunes ne sont pas les seules victimes, le monde du travail n’est pas plus généreux !

Les discriminations dans l’accès au logement, à l’embauche, aux promotions professionnelles font l’objet de nombreuses études et éclairent d’une manière crue notre rapport à l’altérité de genre.

L’homosexualité est punie de mort dans 12 pays, interdite dans 69, la plupart se situant en Afrique et au Moyen-Orient. Les discriminations sont violentes dans les pays de l’Est même quand ils sont membres de l’UE alors que la demande d’asile pour échapper aux violences n’est pas toujours bien accueillie !

Si les thérapies de conversion destinées à « guérir » les homosexuels et les transidentitaires sont définitivement interdites en France depuis le 25 janvier 2022, beaucoup de pays de l’UE les pratiquent encore.

Le tableau n’est donc pas rose !

Pour le Franc-Maçon la question de l’altérité est essentielle. Nos Obédiences accueillent pour certaines uniquement des hommes, pour d’autres uniquement des femmes alors que d’autres travaillent en mixité. Notre histoire, notre tradition est celle-là, cependant, la Franc-Maçonnerie est universelle.

La question de l’orientation sexuelle des profanes que nous accueillons ne se pose pas. Nous accueillons chacun dans sa différence car elle vient compléter la nôtre.

La lutte contre l’homophobie fait partie de toutes les luttes contre l’exclusion d’une partie de l’humanité pour son sexe, son orientation sexuelle, sa religion, sa couleur de peau et nous ne pouvons qu’être sensibles à cette question car la vision de la société qui est la nôtre s’appuie sur le principe de laïcité qui n’exclut personne.

Vive l’arc-en-ciel et joli mois de mai à tous !

Christiane Vienne
SGM de la GLMF