Mixité et démocratie

Pour paraphraser de Gaulle, il ne suffit pas de crier « Mixité, Mixité ! Mixité ! » en sautant comme un cabri, pour aller au terme d’une mission historique de la maçonnerie. Ce serait trop beau. La mixité est certes l’une des missions de la Franc-Maçonnerie, accomplie entre autres par la Grande Loge Mixte de France (GLMF), mais pour autant répond-elle aux enjeux démocratiques et républicains ?

 

Donner une voix

Au premier chef, elle donne le sentiment d’entraîner dans son sillage une première mission de la démocratie : donner une voix à des opprimé(e)s, les femmes, oubliées pendant longtemps de la République, en leur donnant l’égalité, certes, mais également une place de choix dans la République, les mêmes droits que les hommes.

Plus, la mixité donne droits, devoirs et missions comparables, avec une disparition des différences voire des spécificités de chacun(e). Dans cette petite République qu’est la maçonnerie, façonnée par l’idéal moderne, l’enjeu serait l’effacement même des différences. Hommes, femmes, plus d’opprimés, plus d’inférieurs(e)s, d’exclu(e)s, un rassemblement d’égaux. La mixité devient l’aboutissement de la République. Disons-le tout net, le sens même de la démocratie, à plus forte raison de la République, n’est pas la disparition des spécificités, en particulier des minorités.

C’est même tout le contraire ? 

Si on veut bien suivre ici le philosophe Jacques Rancière, la démocratie, c’est le dissensus, le désaccord, qui convient que seule la paix civile, et non la violence, est susceptible d’aplanir les différences entre les minorités ou entre fractions. C’est-à-dire que la mixité est un arrangement, une combinaison entre hommes et femmes, qui conviennent qu’il faut s’entendre pacifiquement, non pour disparité mais au contraire faire vivre les spécificités de chacun(e), ses droits et sa voix.

Qu’il convient de faire une place à l’autre, une sorte de « Tsim-Tsoum » réciproque permettant à chacun(e) de respirer, de s’exprimer et de s’entendre. Mieux : c’est l’expression de spécificités de l’autre, en minorité, qui justifie le fait d’être ensemble. Difficulté majeure : on ne se tolère pas, on ne se supporte pas, au contraire, on attend que l’autre puisse s’exprimer, se dire, s’énoncer, dans son altérité, sa propre minorité. Le rapport à l’Autre n’est pas une vague banalité, ou l’énoncé d’une hypothèse, c’est la conquête des droits de toutes et de tous. Et surtout le respect de la paix civile. La fin de la violence et de la guerre. Ainsi donc, dans la même logique, nous sommes trois, et parfois quatre, dans la mixité : l’un (homme), l’autre (femme), la paix civile, plus chère que tout, et : celui ou celle qui vient. Approfondir la démocratie, voire la République, c’est veiller à l’Autre qui vient ou qui viendra avec ses demandes, ses attentes, et son exigence de paix civile.

le Marquis de Sade

Pour conclure par le Marquis de Sade, « Français, encore un effort, si vous voulez être Républicains » (Les Instituteurs immoraux)

Par Pierre Yana