Édito du Grand Maître - mai 2023

Il m’arrive de réfléchir à ce qui nous pousse à entrer en Franc-Maçonnerie et je me dis que le fait de pouvoir s’intégrer dans un « Plus grand que soi » y est pour beaucoup.

Récemment, lors d’échanges passionnés autour d’agapes fraternelles, nous constations que nous « étions d’accord sur le fait que nous ne l’étions pas » et cependant, l’envie de partager, d’éclairer nos points de vue, d’entendre et pas seulement d’écouter était bien présente. Ce qui nous unissait était bien plus fort, plus grand que nos points de vue divergents.

Étrange relation que celle qui nous unit, nous francs-maçons. Nous rassemblons ce qui est épars, nous encourageons à la réflexion, à la recherche d’une pensée autonome, à l’émancipation de tous les dogmes et… nous nous étonnons de ne pas être toujours d’accord !

Heureusement, nous ne sommes pas toujours d’accord. Notre diversité nous enrichit, et aucun sujet ne devrait être tabou.

Oui, nous pouvons mettre l’universalisme en perspective, l’interroger, le mettre en questionnement.

Oui, le Siècle des Lumières n’a pas éclairé toute la planète, seulement une petite partie du monde, alors qu’ailleurs d’autres pensées, d’autres philosophies, d’autres regards sur le monde s’épanouissaient.

Oui, la Franc-Maçonnerie a été créée par des hommes, pour des hommes, dont ils représentaient l’élite. Ils y ont reproduit tous les préjugés de l’époque et cela n’a pas empêché que leur vision, leur création, a dépassé de très loin ce qu’ils représentaient.

C’est parce que leur projet était « plus grand qu’eux » qu’il a intégré l’universalisme et toute l’humanité, femmes et hommes.

Nos rêves sont plus grands que nous. Le monde auquel nous aspirons est dessiné par nos valeurs. Nous aspirons à un monde fraternel, non-violent, empathique envers les faibles, ouvert à la différence, où la liberté et l’égalité deviennent des réalités alors que, paradoxalement, nous avons parfois du mal à mettre en pratique ces mêmes valeurs dans nos Loges.

Je me suis étonnée de la violence des réactions qu’a suscité la remise du prix Nobel de littérature à l’écrivaine Annie Ernaux. Un ami m’a offert « Écrire la vie », et je me suis plongée dans cette œuvre. Une plongée dans un monde violent pour les femmes, les moins instruits, les « petits ». Notre monde y est décrit avec lucidité, sans concessions, j’ai pensé à la peinture d’Egon Schiele et cela m’a bouleversée.

« La lucidité est la blessure la plus proche du soleil » disait René Char. En effet, la lucidité est brûlante, elle blesse, elle est morsure et pourtant elle seule permet de trouver en soi la volonté de changer ce qui doit l’être. Il faut avoir les yeux grands ouverts pour pouvoir rendre la vie meilleure pour tous et « améliorer le genre humain et la société ».

Le projet auquel nous participons, dans lequel nous nous sommes engagés, la Franc-Maçonnerie est beaucoup plus grand que nous.

La vision qu’il nous offre nous protège d’une vie « au ras des pâquerettes » et nous donne l’occasion d’aller au-delà de nos limites, plus loin dans la réalisation de nos idéaux.

Sans oublier qu’en réalité il n’y a ni méchants ni bons, rien que des francs-maçons imparfaits qui cherchent la lumière en tâtonnant. 

Christiane Vienne
SGM de la GLMF