J'y perd mon sanscrit !

« La syllabe-germe est sonore, mais si l’on détruit la syllabe, il ne reste que l’absolu, silencieux »
Dhyânabindu Upanishad 2 (31, 71)

Cette pensée tirée des textes sacrés hindous devrait être chère aux Maçons : en effet, le silence est ce qui existe en premier pour nous, dès notre entrée en Maçonnerie : le cabinet de réflexion et notre première année silencieuse nous en donne la teneur. Et puis, tant bien que mal, nous entrons dans une parole qui ne serait pas bavardage. Mais, nous comprenons intuitivement que, si nous voulons être et demeurer dans le langage, celui-ci doit prendre racine dans le silence et y retourner dans sa finalité. C’est l’un des aspects que la pensée orientale nous propose. C’est aussi le thème d’un ouvrage qui vient de sortir, sous le titre : « Parole et silence. Un patrimoine de l’Inde hindoue », aux Éditions Almora, par Jacques Scheuer, expert en religions orientales, sanskritiste distingué, professeur à Louvain-La-Neuve en Belgique, et au centre Sèvres de Paris.

C’est parfois amusant de constater comment nous pouvons faire fausse route ! Ainsi, nous avions le souvenir de nos nombreux voyages en Inde, de bruits, de musiques, de couleurs et d’odeurs et d’une animation sans bornes dans les temples, contrairement au monde où le bouddhisme règne en maître. Le Jésuite Jacques Scheuer, avec son talent coutumier, nous convie à travers un voyage quasiment initiatique, à un cheminement qui va des Veda aux Upanishad, du Yoga au Tantra, en passant naturellement par la Bhagavad-Gîtâ et la Bhakti, jusqu’aux poètes comme Rabidranath Tagore, où se dévoile au cœur de la parole, la dimension du silence. Car, ce n’est que lui qui peut rendre la parole vivante et réelle. Chaque fois que nous parlons, nous prenons racine dans le non-dit, dans quelque chose dont la dimension nous échappe et qui pourrait avoir une relation au divin : Dieu, quelle que soit la forme qu’il prend dans l’hindouisme, est d’abord silence avant d’émettre un son créateur. La syllabe sacrée « OM » vient du silence et y retourne quand elle a fait œuvre de création et le croyant qui explique par ses actes, son Karma, l’origine même de sa provenance qui est de la même nature que Dieu et qui est donc Dieu lui-même dans la vision panthéiste du cosmos, ne peut que retourner à la fonction même de l’origine de Dieu : Le silence, jaillissement de la source universelle, d’où tout émane et où tout se résorbe et qui n’est pas distinct de la Conscience Universelle. La parole est certes importante, articulation du vivant et symbolique de ce qui crée l’homme comme être de langage, mais terriblement insuffisante pour porter la charge de l’essentiel en matière spirituelle. Dans cette infirmité, il est d’une nécessité absolue que la parole se pratique avec justesse. L’Origine, nous amène à nous questionner sur notre ouverture de tenue maçonnique avec l’Évangile de Jean : « Au commencement était le Verbe » lit-on, mais ne pourrions-nous pas avancer l’idée, comme l’hindouisme le stipule : « Au commencement était le silence » ?

Ne comptez pas sur moi pour vous répondre. Omerta absolue !

Michel BARON